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Wesh grow : des sous-sols aux toits, la folle ascension des micro-pousses

“Tu vois l’entrée de parking qui descend en colimaçon ? Oui ? Alors tu descends par-là, jusqu’à un premier parking en sous-sol, au -1, tu prends ensuite à gauche, puis encore à gauche, tout droit, et notre bureau est après les cagettes, sur la droite”. C’est sur cette improbable discussion téléphonique qu’a débuté ma rencontre avec Laurent Couraudon, celui qui a été à l’instigation de Wesh Grow, une entreprise qui entend cultiver, en sous-sol, des micropousses et aromatiques à déguster.


A ce stade, un éclairage s’impose. Les micro-pousses, qu’est-ce que c’est ? Selon la définition donnée par Wesh Grow, “les micro-pousses sont des bébés légumes, aux extraordinaires vertus santé et au goût qui claque”. Au début il y a une graine, celle-ci commence à germer, puis se développe la micro-pousse (qui deviendra, avec un peu plus de maturité, une jeune pousse et, enfin, un légume adulte). Mais pourquoi s’arrêter à ce stade ? Parce que “la micro-pousse délivre [par exemple] une patate de goût parfois plus prononcée que le légume adulte, et surtout qu’elle envoie 4 à 40 fois plus de nutriments”.


Je pourrais décortiquer pour vous le modèle économique de Wesh Grow, ou analyser dans les moindres détails la concurrence rencontrée par la start-up dans un monde qui débute péniblement sa transition agricole et écologique, c’est vrai. Mais je vais choisir de vous parler de Wesh Grow au prisme de ma rencontre, un jour de février, avec Laurent, dans un parking aménagé en sous-sol, et de ma découverte d’un projet véritablement fou, qui m’a véritablement donné à voir la créativité que certain.e.s peuvent déployer face à l’émergence des enjeux écologiques des prochaines décennies (parmi ces derniers: l’urbanisation croissante de nos territoires et, partant, une demande toujours plus forte de produits agricoles de qualité, de préférence locaux). Un projet fou parce que décalé, mais fou aussi parce qu’audacieux. “Je suis parisien. Je voulais faire un truc autour de la bouffe, mais sans que cela ne signifie quitter la ville”. Wesh Grow est bien né de l’imagination d’un parisien bon vivant qui avait envie de relocaliser certaines productions maraîchères dont le coût de transports pourrait être considérablement réduit en profitant d’espaces encore non optimisés, en plein coeur de Paris. C’est peut-être ce même intérêt pour le décalé, l’originalité, qui a poussé la Ville de Paris à faire confiance à Wesh Grow dans le cadre du projet Parisculteurs, lancé en 2016.


Parvenue au QG de Wesh Grow après avoir déambulé dans les méandres éclairés aux néons d’un parking en sous-sol, situé sous une cité résidentielle du quartier de La Chapelle (18e arr.), je découvre un lieu tout à fait insolite. Laurent m’accueille en effet dans une grande salle baignée d’un rose flashy, qui n’agresse pourtant pas les yeux. De grandes étagères métalliques occupent l’espace, contenant à chacun de leurs étages des bacs à micro-pousses. Des ventilateurs, soufflant légèrement au-dessus des micropousses pour les rendre plus robustes, et des rangées de néons, reproduisant la luminosité de certaines villes, à des saisons et des horaires différents (“Lille, 3 février”, “Nice, 16 janvier”), cherchent à reconstituer les conditions naturelles de culture.


Concrètement, Wesh Grow est une ferme en hydroponie, c’est-à-dire une ferme hors-sol, qui n’utilise pas la terre mais l’eau comme substrat. Mieux, c’est une ferme responsable ! Chez Wesh Grow, l’eau qui nourrit les plantes est en circuit fermé et est recyclée à 90%. Aucun pesticide n’est injecté dans le parcours. De plus, les barquettes sont recyclées et réutilisées pour les semis suivants. La livraison en circuit court, à vélo, permet de compenser le coût de l’électricité utilisée dans le parcours. Mais les produits, eux, ça donne quoi? Shiso, tagète, mélisse, mitsuba, wasabi, pois, pimprenelle, amarante, radis, capucine, renouée, aneth, sauge, roquette, oseille veinée, hysope, fenouil, shinjuku… Plus d’une centaine de micropousses font partie du casting actuel. Un panel mixte et éclectique car celles-ci proviennent autant d’Amérique centrale, d’Asie que de nos campagnes françaises. Au fur et à mesure que Laurent me fait goûter aux différentes pousses (“Il faut que tu goûtes à tout, Mahaut!”) je découvre des saveurs que je n’avais jamais expérimentées, tantôt acidulées, tantôt, amères, iodées, anisées, végétales, chlorophylées, fruitées, sucrées, camphrées, croquantes, piquantes ! La pousse de pois m’aide à neutraliser la saveur précédente avant d’en goûter une nouvelle, tout comme sentir des grains de café permet de remettre les compteurs à 0 lorsqu’on teste des fragrances en parfumerie.


Bientôt, la famille va s’élargir, puisque des essais sont réalisés pour que puissent bientôt - d’ici à la fin de l’année - être cultivés : menthe crispée, ail des Incas, estragon du Mexique, coriandre vietnamienne, sauge cassis et origan. En effet, au printemps ont été inaugurés 3000m carrés d’aromatiques rares et de fleurs comestibles, sur les toits du centre commercial Beaugrenelle (15e arr. de Paris), signe qu’il y a une demande bien réelle, à la capitale tout du moins, pour des micro-pousses locales et surtout savoureuses et originales. Pour répondre à cette demande, la carte (“Weshcuriale” pour les intimes) évolue à l’été et à l’hiver. Si des variations légères de chaleur sont observables entre l’été et l’hiver, la notion de saison n’a que peu d’importance pour les ingénieurs qui font fonctionner la boutique, car les variations n’impactent peu ou pas les conditions et les résultats de culture.


Et alors, ça intéresse qui les bébés légumes ? Actuellement, plus de 250 clients. Des chef.fe.s, essentiellement (restaurants, palaces, traiteur.e.s), qui apprécient relever leurs plats en jouant sur des associations parfois audacieuses. Justement, une cheffe traiteure visite la ferme au même moment que moi, et j’écoute avec délice les associations qu’elle et Laurent formulent: betterave/panais/jus de gibier + pousses de renouée (une plante qui pousse au bord des rivières), ou alors seiche/daikon/parmesan + tournesol ou tagète, ou encore poireau/nori/anguille + shiso. L’affaire roule bien donc. Plusieurs grossistes (dont METRO) ont d’ailleurs approché Laurent pour pouvoir distribuer les micro-pousses au-delà des portes de Paris.


Il ne me reste plus qu’à souhaiter à Laurent et à toute sa team que le projet de plants rares et fleurs comestibles tout juste lancé, là-haut, sur les toits de Beaugrenelle en plein Paris, devienne rapidement un carrefour où se croisent vents, pollens, abeilles, oiseaux, et urbains curieux. Et que de tels hubs végétaux citadins voient le jour prochainement ailleurs, à Paris et en région !  




















photos © : Ventre Archives 

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