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Portrait confiné : Les bonnes choses de Mathilde Gsell

Mathilde aime les rando, le fromage, les brebis et discuter avec leur berger (si possible les 4 en simultané), faire son pain elle-même, partager un repas avec ses copains. Discussion avec une vraie bonne vivante.


photo © : Mathilde Gsell


Que fais-tu dans la vie ?


Je suis responsable Développement Durable auprès d’une fédération d’entreprises bio, le SYNABIO. Mon travail consiste à aider les entreprises membres de ce réseau à améliorer leurs pratiques d’un point de vue social et environnemental. Malheureusement, aujourd’hui rien ne garantit qu’un produit certifié bio assure, par exemple, une juste rémunération des producteurs. C’est là que j‘interviens ! 


Depuis quelques années maintenant, je goûte également aux joies de l'entrepreneuriat à travers le projet de mon copain. Il a fondé en 2018 la marque de montres « Routine » avec pour mission de relocaliser une filière horlogère durable en Franche-Comté. Bien qu’un peu éloignée de mes centres d’intérêts, j’ai été surprise de découvrir autant de parallèles entre la filière horlogère et les filières agricoles. Et puis… le projet nous emmène très régulièrement sur les routes du Jura, pour notre plus grand plaisir ! 


Je passe également beaucoup de temps sur mon tapis de yoga, à table avec des amis et je m’échappe aussi souvent que possible de Paris pour des week-ends au grand air…


Comment décrirais-tu ton rapport au bien manger, au repas ?


Mon rapport au bien manger est avant tout une histoire d’héritage familial. Mes grands-parents étaient paysans, mes parents ont été enseignants agricoles et sont de vrais passionnés de nature. J’ai passé mon enfance en vadrouille à la campagne avec une forte connexion au monde rural. Cela m’a permis de faire très tôt le lien entre le champ et l’assiette et de forger mes convictions. Même si j’aime beaucoup cuisiner, ma priorité sera toujours de choisir de bons produits issus d’un modèle agricole durable. 


J’ai également hérité d’un rapport très affectif à l’alimentation. La cuisine comme moyen de faire plaisir et de prendre soin des autres. Bien manger, c’est avant tout partager ! 


photo © : Mathilde Gsell


Quel est ton meilleur souvenir culinaire ?


Mon souvenir le plus fort remonte à l’été dernier. Mon copain et moi étions partis deux semaines pour un road-trip sur les « chemins noirs » [titre du livre autobiographique de Sylvain Tesson] entre l’Auvergne, le Lot et le Pays-Basque, avec pour objectif de ne jamais emprunter l’autoroute et de découvrir ces territoires à travers ceux qui les font vivre. 


Tous deux grands amateurs de fromages, nous avions ponctué notre voyage par plusieurs visites de producteurs. Sur les conseils de Benat Moity, le très engagé fromager-affineur de Saint-Jean de Luz, nous sommes partis à la rencontre de Jean-Bernard, producteur d’Ossau-Iraty en estives [pâturage d’été en montagne]. Après plus d’une heure d’ascension au beau milieu des montagnes, ce dernier nous a accueilli avec un seau de « breuil » (fromage frais obtenu grâce à la recuite du petit lait de brebis), un pot de miel de bruyère et un peu de confiture de cerise noire. L’onctuosité du fromage et la simplicité de ce moment resteront longtemps gravées dans ma mémoire. Nous avions passé le reste de notre journée sur place pour assister à la fabrication du fromage, visiter sa cave, s’allonger au beau milieu des brebis et partager sa vision de l’élevage autour d’un mémorable pique-nique. 


photo © : Mathilde Gsell


Quelles personnalités du monde de la cuisine ou de l’alimentation - au sens large- t’inspirent ?


La première qui me vient en tête est Carolyn Steel, dont le livre « Ville Affamée – Comment l’alimentation façonne nos vies » fait partie de mes livres de référence pour comprendre et repenser nos systèmes alimentaires. 


Je suis également très sensible au discours porté par le chef Olivier Roellinger, notamment sur le rôle des restaurateurs auprès leurs territoires. 


Enfin, je suis avec beaucoup d’intérêt le compte Instagram de @anana.mouts, une jeune paysanne fromagère installée en Bretagne. Elle partage avec beaucoup de passion son quotidien avec les brebis, les joies mais aussi les difficultés du monde agricole (le surmenage, les vacances, la place des femmes dans ce milieu, entre autres). Une bonne manière de comprendre les enjeux qui se cachent derrière nos assiettes. 


photo © : Mathilde Gsell


Quand on jette un oeil à ton compte Instagram, on ne peut s'empêcher de se dire que l’expression « les bonnes choses » - qui fait office de biographie - doit forcément renvoyer aux natures mortes que tu captures si bien: du fromage, du vin, du pain tout juste coupé. Qu’est-ce que cela veut dire pour toi ?


Cela fait effectivement référence à toutes les choses que j’aime, avec un fil rouge autour de l’alimentation. Les quatre verbes que j’utilise pour archiver mes stories manger – boire – rencontrer – marcher sont une bonne façon de résumer tout ce qui m’anime aujourd’hui. J’aime partager ces moments, pas tant pour les autres que pour les immortaliser. Je partage très rarement une photo à l’instant T, j’aime bien prendre le temps de la choisir et me dire que je constitue une pellicule des jours heureux. J’exprime très peu d’opinions sur Instagram mais j’espère que mes photos peuvent toucher, interpeller et rendre désirable une certaine façon de se nourrir, notamment. 


Tes clichés sont aussi très empreints d’une certaine forme de de contemplation, de la nature, de ses habitants, des animaux, des plantes. Une envie de prendre la clé des champs ?


Disons qu’on y pense de plus en plus. Je suis confinée à la campagne depuis 2 mois après plus de dix ans de vie urbaine et cela me fait l’effet d’une véritable révélation. Nous voyons le printemps se dérouler sous nos yeux et c’est une vraie source d’émerveillement. Cela me pousse à complètement repenser le rapport que nous avons au vivant, cette façon de considérer que la nature est quelque chose d’extérieur à nous me semble complètement absurde. Cela fait écho faux slogans utilisés sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes : « Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend ». Je suis de plus en plus persuadée que cette déconnexion que nous opérons entre nos villes et le reste du vivant est en partie responsable du manque de prise de conscience écologique.


Où et comment t’approvisionnes-tu ?


À travers mon travail, j’ai appris à bien connaître les enjeux agricoles d’un point de vue social et environnemental. Ma priorité en termes d’approvisionnement est donc de soutenir les acteurs qui se battent pour changer le modèle dominant et qui travaillent en accord avec les principes du vivant. Je considère que nos achats alimentaires sont éminemment politiques et que chaque produit acheté est un vote en faveur d’un système. J’ai conscience d’avoir un rapport assez militant à l’alimentation (ce ne sont pas mes amis qui diront le contraire…) 


Je vis à Paris depuis une dizaine d’années maintenant et il m’a fallu longtemps pour trouver un mode d’approvisionnement qui me convienne. Ayant grandi à la campagne, j’ai toujours eu l’habitude d’acheter la majorité de mes produits directement auprès des producteurs. Cela garantit à la fois une fraîcheur incomparable mais aussi un lien fort avec les paysans et une bonne connaissance de leurs modes production et d’élevage. Bien que nous réalisons l’ensemble de nos courses dans de petites épiceries engagées, c’est cette proximité qui me manque le plus aujourd’hui. 


Je suis très attachée aux commerces de bouche de mon quartier, nous vivons à deux pas de la rue Paul Bert dont j’adore l’ambiance surtout depuis l’installation de Terroirs d’Avenir. Au-delà des produits qu’ils proposent, j’aime cette idée de redynamiser un quartier à travers une pluralité de petits commerces (boulangerie, boucherie, crèmerie...). Cela pose néanmoins la question de l’accessibilité. Je suis la première à considérer qu’il est normal que l’alimentation représente une part importante de notre budget afin de rémunérer justement l’ensemble des filières, mais il serait temps que les aides publiques soient fléchées pour soutenir ces modèles vertueux plutôt que l’inverse. En attendant, j’admire toutes les initiatives qui permettent de démocratiser l’accès à ces produits (Kelbongoo, La Louve, Les 400coop…).


Enfin, je dois avouer que je suis assez « geek » côté sourcing, je peux passer des heures à dénicher des produits, recenser des producteurs et des artisans passionnés. Une grande partie de nos week-ends et vacances y sont d’ailleurs consacrés, heureusement que mon copain partage cette passion !


photo © : Mathilde Gsell


On vit un moment un peu particulier avec ce confinement. Notre rapport à l’alimentation est exacerbé, on se raccroche à ce qui nous fait du bien: on envisage les aliments comme un refuge, le moment du repas comme un rituel quasiment sacré, incontournable. Qu’est-ce qui a changé de ton côté (ou pas d’ailleurs) ?


Le principal changement est lié à notre passage de Paris à la campagne. Nous étions en weekend en Ardèche chez mes parents lors de l’annonce du confinement, cela fait maintenant 2 mois. Beaucoup de choses se trouvent donc bouleversées. 


Du point de vue de l’approvisionnement, nous avons la chance d’être entourés de producteurs qui se sont rapidement organisés pour livrer leurs produits. J’apprécie cette simplicité même si certains petits plaisirs commencent à me manquer (la diversité des fromages, le vrai tahin, mes épices, les olives taggiasches…). Résultat ? Je me suis mise à cuisiner comme jamais, j’expérimente tout ce qu’il me passe par la tête et que je ne prends pas le temps de faire habituellement : des bocaux, beaucoup de pâtes maison, des gâteaux en tout genre, des huiles aromatisées... Mais la plus belle expérience, partagée par beaucoup d’autres confinés, est celle du pain au levain ! 


Côté repas, notre rythme reste plutôt inchangé. Je cuisine assez simplement et sainement la semaine et me lâche complètement le week-end. Un fonctionnement un peu schizophrénique que j’adore et qui fait partie intégrante de mon équilibre, une sorte de grand écart entre sobriété et gourmandise. Concrètement, je préfère me resservir trois parts de gâteaux le week-end et ne pas en manger de la semaine. 


photo © : Mathilde Gsell


Comment envisages-tu l’après confinement du point de vue de l’alimentation ? Et, plus largement, qu’est-ce que sera pour toi le repas de demain ? 


J’espère sincèrement que cette période marquera un tournant dans nos modes de consommation et que l’élan actuel en faveur des produits locaux et bio perdurera. Jamais notre créativité n’a été autant mobilisée autour du bien manger qu’actuellement. J’espère qu’un grand nombre de personne auront repris le contact avec les produits, la cuisine et feront évoluer leurs habitudes quotidiennes. Pour moi le repas de demain sera synonyme de plaisir, de lien social et d’engagement ! 


photo © : Mathilde Gsell


As-tu une petite recette personnelle facile à nous transmettre ?


Voici une recette printanière très simple et pourtant tout à fait surprenante que je viens de découvrir. Il s’agit du pétillant naturel de fleur de sureau. Pour la petite histoire, j’étais persuadée d’avoir raté ma première tentative jusqu’au jour où, en décidant de la jeter, j’ai réalisé que la fermentation avait finalement opérée ! 


Pour 1L de pétillant naturel de sureau : 

- 1L d’eau filtrée 

- 75g de sucre 

- 1 beau citron (bio) coupé en quartiers 

- 5 ombrelles de fleurs de sureau 


Cueillir et bien rincer les fleurs de sureau. Mélanger dans un grand bocal, l’eau, le sucre, le citron et les ombrelles, bien mélanger. Couvrir le bocal par une étamine et fermer avec un élastique. Laisser fermenter 4 ou 5 jours au soleil en veillant à bien remuer le mélange tous les soirs. Une fois les premiers signes de fermentation apparus (petites bulles à la surface), filtrer le mélange et le transvaser dans une bouteille en verre fermée par un bouchon de liège. Poursuivez la fermentation entre 2 et 4 jours hors du frigo. Conserver au frigo afin de stopper la fermentation  ! 


Où peut-on te suivre, voir ce que tu fais, ce que tu manges ou cuisines ?


Sur mon compte Instagram @gslth 



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