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Matahari, le boui-boui qui a tout compris

Sur la route d’Ars-en-Ré, en direction de la pointe ouest de l’île de Ré, impossible de ne pas s’arrêter au Matahari boui-boui, un petit restaurant qui propose une “cuisine du voyage éco-responsable”. Ouvert en avril pendant le confinement, ce boui-boui ne laisse rien au hasard, des produits, sourcés localement et de saison, aux recettes, inspirées des épopées indonésiennes du duo formé par ses fondateurs, Zoé et Félix. Rencontre autour de quelques bakwans (beignets indonésiens, aux légumes) bien relevés.


Crédit photos © : Ventre Archives



Lorsque nous les rencontrons au restaurant, un soir de novembre, Zoé et Félix sortent d’une première saison très chargée pour leur restaurant, troisième pour leur foodtruck. C’est le moment où ils apprécient pouvoir fermer quelques jours dans la semaine, pour aller voir leurs amis qui travaillent aux champs et aux potagers, ou dompter quelques vagues dont l’île de Ré a le secret. Le soleil se couche lorsque l’on se gare sur le parking, teintant de rose la façade colorée du Matahari. La salle est baignée d’une douce lumière incandescente, mettant subtilement en relief les plantes suspendues et les photographies de voyage accrochées au mur.



Après le lycée, Zoé délaisse très vite ses études théâtrales débutées à Bordeaux, et travaille chaque mercredi dans le petit bistrot que tient son père, au marché, “Le Chabi”, dans lequel elle a carte blanche pour proposer ses propres menus. Puis, elle entame des études de langue, anglais et indonésien, à la faculté de La Rochelle. “C’est pour ça qu’on fait beaucoup de cuisine indonésienne”, nous explique-t-elle. Pourquoi apprendre l’indonésien ? “Parce que je voulais faire un documentaire sur le théâtre javanais et balinais. J’étais à fond sur l’image et le spectacle à ce moment-là”. C’est d’ailleurs pourquoi elle part quelques temps apprendre l'indonésien, directement sur place. Et c’est là qu’elle fait l’expérience de la gastronomie indonésienne, pour la première fois. C’est par cette porte que la cuisine lui est apparu comme étant une possibilité, une voie, pour la suite. “Je vivais dans une école de danseurs. Je n’avais pas accès à une cuisine, j’ai donc passé la plupart de mon temps dans des marchés alimentaires, en extérieur, j’adorais m’inscruster dans les cuisines des autres, des commerçants. Et puis c’est devenu de plus en plus évident que la cuisine allait devenir de plus en plus importante pour moi”.



C’est en rentrant d’Indonésie que son chemin (re)croise celui de Félix, qu’elle connaissait depuis le lycée. Félix termine des études de biologie, il rentre aussi de l’étranger (Australie et Tahiti). Ensemble, et avec une bande de copains, ils travaillent pendant un temps à La Belle du Gabut, à La Rochelle, une friche industrielle réhabilitée en lieu hybride qui déroule une riche programmation artistique et culturelle, mais aussi gastronomique. Puis, ils repartent voyager. Après avoir bourlingué du côté de l’Inde et de l’Indonésie, pour réaliser des volontariats dans le domaine éco-social, c’est à Ars-en-Ré, sur l’île de Ré, qu’ils décident de poser leurs valises.



Leur projet de restauration a fait son chemin depuis leur rencontre. C’est d’abord sous la forme d’un foodtruck que l’idée prend corps, avant de se décliner aussi en version restaurant. “On avait plein d’idées, mais c’est celle du foodtruck qui a pris le pas sur les autres. On avait déjà bossé dans un foodtruck, celui de La Belle du Gabut, et ça nous avait plu. Donc c’est allé très vite, on a déniché le camion sur Le bon coin, puis on a trouvé un gars qui retapait et aménageait des camions. Un mois après, on ouvrait notre première food caravane !”. Les deux emmènent ensuite leur camion sur les routes des festivals. Zoé nous raconte alors de drôles épisodes qui marquent leurs souvenirs, et notamment les deux étés passés à faire la plonge du foodtruck, en fin de soirée, aux sanitaires du camping où ils dormaient pour la saison. Et puis la fois où ils se sont retrouvés au festival punk Tagada Jones, “coincés entre des stands affichant des grosses têtes de mort et ceux qui vendaient des saucisses indus”, et eux, au milieu de tout ça, dans leur “caravane de hippies” à proposer leur popote toute fraîche. “On a bien rigolé” conclue Zoé avec un sourire. Un de leurs meilleurs souvenirs ? “Le festival du rêve de l’aborigène !” répondent-ils en choeur. “Un festival sans alcool, hyper bienveillant, situé près de Poitiers, avec 24 stands végétariens sur 25, une charte commune bio à respecter” détaille Félix.



Après trois ans, en avril pendant le confinement, le couple a envie d’avoir son lieu. “Le restaurant, lui, est venu un peu après, quand on a eu l’opportunité de s’installer dans le local d’un ancien restaurant dont on connaissait le propriétaire”, ici sur l’île de Ré. "On a souhaité avoir les deux formats, d’un côté le foodtruck, qui nous permet d’être mobiles, en particulier l’été, et de l’autre le restaurant”. Aujourd’hui, Zoé s’occupe de la partie créative, en cuisine, tandis que Félix gère la partie logistique et administrative. “Mais ça n’empêche pas que Félix soit très souvent en cuisine avec moi !” nous dit Zoé. “C’est très fluide, on fonctionne bien ensemble, et Félix n’hésite pas à me dire ce qu’il aimerait qu’on cuisine, comme la mayonnaise, son péché mignon”, ajoute-t-elle en riant.



Pendant que nous discutons, nous regardons Zoé s’affairer aux fourneaux. Dans sa grande poêle, elle prépare ce soir-là un nasi goreng, ou riz frit, qui sent terriblement bon. Il sera proposé à la vente à emporter, pendant le confinement, aux côtés d’un houmous au zaatar revisité (origan, sumac, nigelle, graines de sésame), d’un velouté de potiron au miso et gingembre, de beignets de patate douce aux blettes et sauce sambal, d’un curry “spécial immunité” au moringa, et d’une tarte crue chocolat noir sésame et fleur de sel.



Au Matahari, le menu, affiché à l’extérieur, évolue chaque semaine, en fonction des arrivages, de la saison. Zoé et Félix ont noué des liens avec les producteurs du coin, et notamment les maraîchers, auprès desquels ils s’approvisionnent pour l’essentiel de leur matière première. Seules leurs épices proviennent d’Indonésie, ramenées lors de leurs derniers voyages. Leur motto ? Proposer une cuisine végétarienne, naturelle, fraîche, et inspirée de leurs voyages. Pari gagné. Ce soir-là le choix est dur, tout nous fait envie tant cela sent bon.



Depuis peu, le duo souhaite aussi faire de la place aux petits producteurs et transformateurs locaux en proposant leurs produits dans leur restaurant : les bières des Brasseurs Cueilleurs, des légumes en bocaux, des vinaigres, du miel urbain, des jus d’hibiscus fabriqués en Normandie en partenariat avec une association du Burkina Faso, des céréales et graines en vrac, des vins nature coups de coeur dont ils ont rencontré les producteurs, et aussi le pain bio de Laurent L’Hénaff.



En plus de se fournir en produits locaux et de saison, Zoé et Félix essayent de produire le moins de déchets possible, de trier, composter, et de valoriser les emballages recyclables. Dans cette optique, tous deux évoquent leur envie d’obtenir des labels qui valoriseraient leur démarche, comme le le label Ecotable (décerné aux établissements engagés dans une démarche écologique et durable), ou celui de Slow Food.



S’engager, un verbe que le duo applique au quotidien, dans leur façon de voir la cuisine, de respecter le produit, le producteur, le consommateur, mais aussi, les cuisinier.e.s, ceux et celles qui viennent d’ailleurs et qui ont leurs propres traditions, leurs propres répertoires culinaires. Aussi, c’est tout naturellement qu’ils ont souhaité participer cette année au Chefs Réfugiés Festival, organisé dans la région de La Rochelle en octobre, en invitant pendant quatre jours deux cuisinières réfugiées d’Arabie Saoudite, à venir cuisiner à leurs côtés. “C’était la première fois qu’on devait partager la cuisine, on a dû s’adapter, faire de la place, tenter de communiquer de manière fluide, partager avec elles nos techniques et nos conseils. Cela a été hyper enrichissant car en retour elles nous ont aussi appris plein de choses ! L’une d’elle tenait un café, avant de venir en France, et était particulièrement à l’aise en pâtisserie”.



Parfois, on se demande si la ville ne nous manque pas un peu. Et puis, à chaque fois qu’on y va, on se fatigue vite, on s’aperçoit qu’on est bien là où on est” répond Zoé quand on lui demande s'ils se plaisent sur l’île. “Et puis, il commence à y avoir plein de choses qui s’organisent ici, par des groupes de jeunes, dont des copains à nous. Des événements, des soirées. On a envie d’en être” complète Félix.



Zoé et Félix ont respectivement 25 et 26 ans. Ils semblent s’épanouir dans ce mode de vie qu’ils ne doivent qu’à leur travail et leurs bonnes idées. Leur prochain moove ? “Avoir un potager à nous, dans lequel on produirait ce dont on a besoin pour le restaurant, qui nous permettrait de composter tous les bio-déchêts qu’on produit actuellement”, expliquent-ils. “Parce que ce qui me fait kiffer, moi, c’est d’aller chercher des petits légumes que Zoé va cuisiner”, ajoute Félix avec un sourire. “Ou bien monter un éco-lieu, qui créerait un cercle vertueux entre cuisine, potager, activités culturelles”, conclue Zoé. Affaire(s) à suivre. Et nous, on repart l’eau à la bouche avec notre houmous et notre curry sous le bras.











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