De par son engagement au sein de la Communauté Ecotable et auprès de celles et ceux qui nous nourrissent, mais également au travers de choix de vie affirmés, Laurène Petit fait de la résistance. De la résistance pour une alimentation durable et solidaire.
Que fais-tu dans la vie ?
Je travaille à mon compte sur plusieurs activités, toujours en lien avec l'alimentation durable : consulting culinaire, formation pour les restaurateurs et création de contenu engagé. Par exemple, j'adore aller à la rencontre de producteur.ice.s et à travers mes reportages, mettre des mots et des images sur l'engagement qui les anime au quotidien pour nous nourrir.
photo © : Laurène Petit
Peux-tu nous expliquer quelle est la nature de ton engagement au sein de la Communauté Ecotable ? Je suis membre de la Communauté Ecotable qui réunit les acteur.ice.s de la fourche à la fourchette engagé.e.s pour une alimentation durable. Je suis particulièrement impliquée sur l'opération "Restaurons les soignant.e.s durablement" que nous avons montée depuis le début du confinement. Nous livrons plus de 600 repas de qualité tous les jours au personnel soignant d'une quinzaine d'hôpitaux d'Île-de-France. Les verbes « résister » et « s’engager » apparaissent dans ta bio Instagram. Qu’est-ce que cela signifie pour toi ? Cela a-t-il un rapport avec ta façon d’envisager le bien manger au quotidien? Tout à fait ! L'engagement a toujours été présent en filigrane de mon parcours : que ça soit dans ma vie professionnelle, au sein d'associations (l'AMAP de Sciences Po, par exemple) ou dans mes choix personnels vers un mode de vie plus bas carbone (je ne prends plus l'avion, je réduis au maximum ma consommation de produits d'origine animale, je n'achète que des vêtements d'occasion...). La résistance, c'est une piqûre de rappel, un électrochoc et l'esprit critique que j'essaie toujours d'avoir pour ne pas accepter des situations injustes causées par notre système destructeur des humains et de la planète.
photo © : Laurène Petit
Où et comment t’approvisionnes-tu ? L'approvisionnement en produits respectueux du vivant est important pour moi. Quand on achète un produit, on soutient le monde qui va avec. Je suis inscrite à une AMAP (Le Marché sur l'eau à Stalingrad) où je récupère mon panier de fruits et légumes locaux et en circuits courts chaque semaine. J'y trouve aussi des produits laitiers délicieux, de la farine paysanne ou encore de la bière artisanale. Pour l'épicerie et le vin, je complète avec la Biocoop, le Zingam ou encore Terroirs d'Avenir (Paris) que j'ai la chance d'avoir près de chez moi. Quel est ton meilleur souvenir culinaire ?
Récemment, je suis allée avec mon sac à dos jusqu'en Sicile en prenant tous les moyens de transport possibles sauf l'avion. Sacré périple ! Au retour, mon hôte chez qui j'ai fait du couchsurfing à Lerici (un village très mignon au milieu des Cinque Terre) m'a emmenée faire une jolie balade sur les falaises surplombant la mer. On a fait un détour par la forêt pour ramasser des arbouses, et nous sommes allés jusqu'à chez son ami (producteur d'olives) pour les transformer sans attendre en confiture. Bonne musique, focaccia qui sort du four, l'odeur de la confiture qui cuit et les conversations animées en italien : j'en garde un très bon souvenir !
Quelles personnalités du monde de la cuisine ou de l’alimentation - au sens large - t’inspirent ?
Peut-être parce que je viens du même terroir que lui, je suis une fan de la première heure de Florent Ladeyn. J'adore sa manière très humaine d'aborder la cuisine : ultra locale. C'est un pur produit des Flandres qui sublime le travail de maraicher.e.s et éleveur.se.s passionné.e.s comme lui.
Dans le registre du zéro déchet, j'éprouve une grande admiration pour Chloé Charles, une cheffe nomade qui cuisine de manière très intelligente les produits dans leur intégralité.
Par ailleurs, j'adore la personnalité et la cuisine solaires d'Alessandra Montagne, une cheffe brésilienne dont la joie de vivre me rappelle celle des habitants de Rio où j'ai vécu pendant un an.
Enfin, j'ai beaucoup de respect pour François-Régis Gaudry qui est selon moi le critique culinaire le plus pertinent dans son impertinence.
Qu’est-ce que le fait de cuisiner toi-même t’apporte au quotidien ?
Pour moi cuisiner, c'est méditer. Si j'aime le joyeux bordel des préparations de repas en bande, j'apprécie aussi les moments où je cuisine seule, face à mes couteaux et à mes ingrédients. Quelques épices et herbes fraîches, un geste par-ci par-là, il en faut peu pour que la magie opère quand les produits sont bons. La satisfaction du repas préparé avec amour pour ses proches est alors sans pareille !
photo © : Laurène Petit
On vit un moment un peu particulier avec ce confinement. Notre rapport à l’alimentation est exacerbé, on se raccroche à ce qui nous fait du bien: on envisage les aliments comme un refuge, le moment du repas comme un rituel quasiment sacré, incontournable. Qu’est-ce qui a changé de ton côté (ou pas d’ailleurs) ?
De mon côté, je cuisine plus que jamais. En temps normal, j'adore aller tester de nouvelles tables, y retrouver mes ami.e.s et y rencontrer de nouvelles têtes. Depuis le confinement, c'est forcément 100% fait maison. Je prends plus le temps d'essayer, de rater aussi, et de recommencer. Je me suis ainsi lancée à plusieurs reprises dans la fabrication de mon levain, qui m'a ensuite servi à faire mon premier pain maison, une focaccia ou encore des pancakes. C'est une grande joie que de cheminer doucement vers l'autonomie alimentaire, même si le chemin est encore long !
Comment envisages-tu l’après confinement du point de vue de l’alimentation ? Et, plus largement, qu’est-ce que sera pour toi le repas de demain ?
Vaste sujet, qui m'occupe beaucoup l'esprit en ce moment, d'autant plus que je suis entourée de restaurateur.ice.s avec qui nous nous posons toutes ces questions. Au sein de la Communauté Écotable, l'opération "Restaurons les soignant.e.s durablement" a été un sacré coup de pied dans la fourmilière de la restauration collective. Nous avons en peu de temps montré qu'une restauration de qualité, même à grande échelle, était possible et souhaitable. Nous rêvons d'une restauration collective durable et désirable et nous y travaillons dès maintenant pour en faire une réalité demain. L'alimentation à l'avenir sera forcément plus végétale, plus locale et plus connectée au vivant.
Tu fais la part belle à la cuisine écolo, qui ne laisse (presque) aucune épluchure sur le bas côté. Comment en es-tu arrivée là ? Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui veut s’engager sur cette voie ?
J'ai toujours eu du mal avec le gaspillage alimentaire, aussi bien quand je bossais dans la restauration que dans ma vie perso. Je crois que lorsque l'on s'intéresse et que l'on respecte le travail de celles et ceux qui remplissent nos assiettes, on ne peut pas continuer à nourrir les poubelles. C'est aussi pour moi un défi et une source de créativité que de générer le moins de déchet possible !
Après, je ne souhaite pas avoir un discours moralisateur là-dessus. La première étape, c'est de manger de saison, équilibré et de ne pas faire le jeu des industriels en choisissant des circuits de distribution alternatifs. Ensuite, cuisiner anti-gaspi, ça vient naturellement à force de cuisiner et de tester des choses. C'est une forme d'ouverture d'esprit et de curiosité pour le vivant.
photo © : Laurène Petit
As-tu une petite recette personnelle facile à nous transmettre ?
J'ai animé récemment un atelier de cuisine confinée anti-gaspi où j'y ai livré ma passion pour les légumineuses et en particulier pour le pois chiche.
Voici une double recette de houmous, et de mousse au chocolat vegan où les oeufs sont remplacés par l'aquafaba, l'eau de cuisson des pois chiches. Magique !
Mousse au chocolat vegan
Ingrédients pour un petit saladier (3 personnes) :
- Le jus d’une grande boîte de pois chiches (environ 140g)
- 140 g de chocolat 60% (même poids que l’aquafaba).
- Facultatif : 1 fève tonka (ou autre épice : piment d’Espelette, cannelle en poudre, extrait de café)
1. Récupérez l’aquafaba des pois chiches.
2. Faites fondre le chocolat au bain-marie puis laissez-le tiédir.
3. Montez l’aquafaba en neige ferme.
4. Râpez la fève tonka (ou autre épice en option : cannelle, piment d’Espelette,..) au-dessus du chocolat.
5. Incorporez délicatement le chocolat à l’aquafaba.
6. Répartissez la mousses dans des verrines et mettre au frais pendant 2 heures au moins.
Houmous au zaatar :
Ingrédients pour un bol
- 300g de pois chiches cuits
- 3 cs de Tahini (purée de sésame – ou huile de sésame à défaut)
- 1 gousse d’ail
- 1/2 cc de cumin
- 1 cc de zaatar (un chouette mélange moyen-oriental composé de thym, de sumac et de graines de sésame)
- 1/2 Citron bio
- 3 cs d’huile d’olive
- Sel, poivre
1. Récupérez le zeste de citron à l’aide de la râpe.
2. Réservez de côté ⅓ des pois chiches. Mixez tous les ingrédients de la recette restants sauf la betterave et le sésame noir.
3. Ajoutez le jus et le zeste du citron et un peu d’eau froide et mixez à nouveau pour obtenir une texture bien lisse et crémeuse.
4. Rectifiez l’assaisonnement en sel, poivre.
5. Décorez avec le zaatar et un filet d’huile d’olive.
6. Mettez au frais.
Où peut-on te suivre, voir ce que tu fais, ce que tu cuisines ?
Mon instagram : https://www.instagram.com/laurenepetit/
Et sur mon site sur lequel je poste mes recettes et mes reportages chez les producteurs ou dans les restaurants Ecotable : www.Toutmanger.fr
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