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En attendant les vignes, vivre d’amour et de cidre frais à La Ferme de Port Coustic

Noémie Vallelian et Mathieu Le Saux sont les futurs vignerons de l’île de Groix. Leur première vigne, plantée en 2019 sur des parcelles exposées aux quatre vents et aux embruns de la mer, donnera ses premiers fruits dans quatre ans, environ. En attendant, le couple vit simplement, presque en autosuffisance, grâce à une ferme en polyculture.


Crédit photos © : Ventre Archives



Le jour où je débarque sur mon vélo à la Ferme de Port Coustic, à l’Est de l’île de Groix juste avant la Pointe des Chats, il y a beaucoup de vent et le ciel est chargé de nuages lourds d’humidité. Cela ne m’empêche pas de descendre à la plage, en contrebas, pour m’imprégner du lieu, tâter le pouls de cette région de l’île plus sauvage avant de remonter à la ferme.


Dans l’encadrement de la porte d’un atelier, un poulet tête en bas, pendu par les pattes, est en train de se faire plumer par Noémie. Je m'assois sur le perron et la regarde faire. Notre discussion commence, les pépiements du merle de la ferme en fond sonore.



Noémie, Suissesse, s’est formée en polyculture-élevage en biodynamie dans l’idée de s’installer en bio-maraîchage. Mathieu vient de Lorient, en face de Groix. Il est vigneron de métier, passé par Montpellier, le Beaujolais et la Bourgogne. Ils se sont rencontrés en Suisse, sur l’exploitation du père de Noémie. Ils viennent se balader sur l’île, et c’est une évidence. Ils s’y installent en 2017. « En débarquant sur Groix, quand on a vu la ferme, et puis le cadre, on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire. D’autant que les sous-sols de Groix sont magiques. Et puis, sans être magiciens, on voulait tout de même participer à la vie de Groix, proposer une alternative au tourisme que l’on a l'habitude de voir ici »



Jusqu’en 2015 en Bretagne la loi interdisait de produire et de vendre son vin. Depuis la nouvelle réglementation intervenue à cette date, la péninsule renoue peu à peu avec son passé viticole (puisque sous l’ère romaine la Bretagne était une terre de vin !). Mathieu et Noémie font partie de ceux qui ont souhaité se lancer dans cette reconquête des vignes bretonnes. Dès 2015, le projet de venir s’installer sur cette petite île au charme certain naît dans leur esprit. S’en suivent des montages budgétaires, des rencontres avec des financeurs pour pouvoir acquérir la ferme au prix de 350 000 euros. Après leur installation sur l’île, en 2017, ils entament les démarches administratives pour obtenir l’autorisation de planter des vignes, auprès des douanes, de France Agrimer, et des notaires pour acquérir les parcelles. C’est finalement en 2019 qu’ils commencent à planter leur première vigne, sur un hectare de terre. L’objectif est de planter un hectare de vigne par an, jusqu'à cinq hectares au total. Sachant qu’il faut compter environ trois-quatre ans avant de récolter les raisins.



En attendant, pour vivre, le couple fabrique du cidre « de terroir », avec des pommes en provenance des quatre départements bretons. Là-aussi, ils ont planté des pommiers pour pouvoir être autonomes. Mais il faut savoir être patient, leur projet n’en est qu’à ses prémisses. Pour l’instant, leur cidre est vendu en majorité à des exportateurs étrangers, mais le marché commence à s’ouvrir en France, auprès de cavistes parisiens notamment. C'est un graphiste de la région qui conçoit les étiquettes des bouteilles, inspirées par leur mythologie musicale et cinématographique pimpée à coups de jeux de mots.



Au quotidien, ils vivent tous deux en quasi autosuffisance, grâce à quelques moutons, poules, cochons, et une parcelle de maraîchage. Pour mettre du beurre dans les épinards, ils ont construit un petit gîte, tout en bois, posé au milieu des champs, vue sur la mer. « On est à la louche à 300 balles le mois, et l’été ça passe à 500 balles la semaine ». Leur projet a du chien, parce qu’il est bien pensé, et même s’il n’en est qu’à ses débuts, et que pour l’instant ils disent vivre chichement, il faut bien reconnaître qu’il est un condensé de bon sens : vivre de la vigne, se nourrir de ses propres élevage et maraîchage, limiter ses allers-retours au supermarché, permettre à des touristes de venir sur la ferme, surtout l’été, découvrir cette pointe de l’île particulièrement belle, et peut-être leur donner envie de prendre la clé des champs.



Leur ferme, en comptant les vignes, la parcelle en maraîchage et celle consacrée à l'élevage, fait une superficie d'environ 15 hectares. « Mais la superficie moyenne des fermes en France c’est plutôt 60, 80, voire 100 hectares ». 15 hectares à deux, c’est jouable ? « On fait un 35 heures par semaine sur la vigne, et on refait un 35 heures sur les autres activités de maraîchage et d’élevage. C'est beaucoup, mais c’est notre vision de la vie, de la ferme. Et puis, on a pas mal de passage sur la ferme, beaucoup d’amis débarquent ici pour nous voir, on souhaite bien les accueillir, les nourrir avec nos propres animaux, nos propres produits », m'explique Mathieu.



Nous nous dirigeons vers les parcelles de vigne situées au bord de la mer, balayées par le crachin et les embruns. Des tuteurs ont déjà été installés à environ un mètre de distance les uns des autres. Noémie dépose à terre un seau plein de pieds de vigne. Mathieu creuse des trous à l’aide d’un pic de chantier, puis Noémie dépose dans chaque trou un pied de vigne. Je suis chargée de resserrer la terre sur le pied, grâce à un outil qu’on utilise d’habitude pour pêcher les coques, sur la plage. Noémie soulève une grosse plaque compacte de terre et de pierre pour me la montrer, elle m’indique qu’il s’agit de schiste bleu, une pierre très rare qui fait la richesse des sous-sols groisillons.



Pour travailler la terre, justement, ils attendent deux chevaux de trait qui doivent arriver au mois de juin pour les aider dans leurs travaux de labours. Avec eux, ils pourront passer entre les vignes, chose qu’un tracteur ne peut pas faire. « C’est un travail plus lent, mais mieux fait. On casse moins les sols. Quand la terre est humide, le cheval peut passer, alors qu’un tracteur non. On n’utilise pas de gasoil, et un cheval ça fait moins de bruit. Et puis quelle puissance ! D’ailleurs, ce matin sur France Inter j’entendais un mec qui disait que le nouveau moyen de transport dans quelques années sera le cheval ! » dit Noémie en riant. Mais ce projet de retour à la tractation animale semble motivé par d'autres ressorts, moins fonctionnels : « La relation avec le cheval est particulière, forte. Tu lui es redevable, en quelque sorte ». 



Côté cépages, Mathieu et Noémie plantent du chenin (« parce que j’aime bien ça » me dit Mathieu), du pinot d’Aunis - une variété de la Loire -, et du grolleau. Si les vignes semblent pour l’instant épargnées par le mildiou, les embruns salés de la mer auxquels les parcelles sont exposées les inquiètent un peu. Des pigeons trouvent aussi les petits pieds de vigne à leur goût et viennent en picorer les feuilles, d’où la tulle enroulée autour des pieds, à certains endroits de la parcelle que nous visitons. Le couple a demandé conseil à d’autres vignerons, au sujet de la présence de ces oiseaux, mais personne n’a pu les guider. Il faut croire qu’ils défrichent. « On pensait avoir des problèmes avec des lapins, mais c’est finalement les pigeons qui viennent nous embêter » explique Mathieu. Mais peut-être que des explications pourront être trouvées en regardant du côté de vieux textes datant de l’ère romaine ? 


En tout cas, grâce à la qualité des sols groisillons (reconnue par Jean-Pierre de la nouvelle Brasserie de Groix, et par les frères Leclercq de la Ferme de Kerdurand), conjuguée à une exposition maritime et ventée des vignes, le domaine de la Ferme de Port Coustic risque bien de produire un vin bien particulier. Rendez-vous dans quatre ans pour goûter ça !



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